Madame, Monsieur,

J'ai été, au cours des semaines écoulées, rendue destinataire de témoignages ou de messages écrits d'aixois, marquant clairement leur souhait de maintenir le Logis du Bras d'Or, propriété familiale de Darius MILHAUD.

Vous avez été parmi celles et ceux qui m'ont fait part de leur sentiment et je peux vous assurer que j'ai pris connaissance de votre courrier avec beaucoup d'attention.

J'avais fait le choix de différer quelque peu ma réponse, dans l'attente de la réunion du Conseil Municipal qui vient de se tenir le 20 Juin et je sais que, soit par le biais de la presse, soit par informations indirectes, vous avez eu connaissance du long débat que ce dossier a suscité, devant les élus aixois.

A ce jour, la Ville d'Aix-en-Provence se trouve face à l'une des questions qui sont toujours cruciales dans un choix politique, à savoir l'indispensable nécessité de conservation de notre Patrimoine, du respect du devoir de Mémoire avec, en opposition, le développement urbanistique, démographique et économique de nos temps modernes.

Nous sommes parfaitement conscients de ces tendances complètement antagoniques mais j'aimerais resituer clairement le débat, tel qu'il se présente aujourd'hui et qui est le fruit d'une longue histoire collective.

Sextius Mirabeau repose sur d'innombrables décisions municipales qui en ont assuré les grandes lignes et, tout comme le Cours Mirabeau, mon équipe municipale ne peut aujourd'hui, que gérer au mieux, en les améliorant chaque fois que c'est possible, les choix politiques de mes prédécesseurs.

Il ne serait pas, je pense, honnête de m'imputer des options dures ou draconiennes. Je rappelle d'ailleurs, non sans quelque fierté, que sur les quatre Maires qui m'ont précédée depuis le milieu des années 1960, seul Alain JOISSAINS avait eu le courage, alors qu'il était Maire, de poser réellement la question du Logis du Bras d'Or et son équipe s'était prononcée pour sa conservation. C'était il y a vingt ans. La question ne date donc pas d'aujourd'hui et, face à l'avancement du projet Sextius-Mirabeau, il est certain que j'ai maintenant, avec mon équipe, à faire à des choix dont nous savons l'importance.

Un tel dossier ne peut, certes, se réduire à des critiques d'un bilan passé mais je considère qu'il n'est pas superflu de vous rappeler, vous ne l'avez d'ailleurs sans doute pas oublié, que tout au long de la décennie écoulée, l'équipe précédente à direction socialiste, s'est bien peu préoccupée de l'entretien des bâtiments existants et a laissé s'effondrer les bâtiments du Casino voisin ainsi que la maison même de Darius MILHAUD.

Je vous demande de réfléchir au rappel de cette politique sur une période de dix ans qui nous conduit face à la situation que nous connaissons aujourd'hui.

Je sais que bien des aixois, dont vous même, je n'en doute pas, sont sincères dans leur attachement au grand compositeur que fût Darius MILHAUD. D'autres tendances certainement moins généreuses et non dépourvues d'arrière pensées, sont venues se faire entendre à l'approche des consultations électorales, donnant à ce dossier une tournure beaucoup plus polémique.

Pour ma part, j'ai multiplié les réflexions et les contacts pour rechercher la solution la mieux adaptée.

C'est ainsi que mon Premier Adjoint a personnellement rencontré Madame Madeleine MILHAUD, veuve de Darius, qui d'ailleurs était accompagnée de l'une de ses nièces, avocat et qui, toutes deux, conçoivent bien les lourdes hypothèses qui pèsent sur la conservation du bâtiment.

Nous avons eu l'honneur de recevoir en Mairie d'Aix-en-Provence, Monsieur Serge DASSAULT en personne, dont Darius MILHAUD était un parent et qui se propose de participer, sous forme de mécénat, à une éventuelle action de réhabilitation, au besoin par voie de déplacement, du bâtiment. Nous ignorons si cela est possible. Ce que nous savons par contre, c'est le manque à gagner considérable et les sommes colossales qui viendraient grever le budget de Sextius-Mirabeau, en compromettant dangereusement les assises de son programme. Ce manque à gagner serait pharaonique et avoisinerait les 70 Millions de Francs, somme à laquelle il conviendrait d'ajouter la restauration de la Maison et les dedits aux commerces qui ont passé des contrats avec l'ancienne Municipalité.

J'aimerais avoir votre avis sur la position que vous auriez à prendre, face à un tel dilemme.

Nous ne pouvons oublier que cet immeuble a d'ailleurs été vendu, de son vivant, par Darius MILHAUD et nous recherchons les meilleurs moyens de respecter l'indispensable devoir de Mémoire : Pourquoi pas un Musée Darius MILHAUD ? Pourquoi pas l'attribution de son nom à un lieu public, solennel et magistralement situé où les anciens mais également les jeunes générations, auraient sans doute bien plus l'occasion de côtoyer le nom du musicien, qui par un bâtiment aujourd'hui bien mal conservé et affecté, au cours des décennies, à des fonctions qui n'avaient rien d'artistiques ?

Et si la famille comprend nos soucis et les accepte, j'espère très sincèrement que les Aixois auront la sagesse d'en faire de même. Quoi qu'il en soit, je redis aux personnes attachées au Grand Homme que fût Darius MILHAUD, que je partage leur vision.

J'appelle la population aixoise, en particulier les associations de défense de notre Patrimoine, à donner leur confiance à l'équipe municipale qui n'a qu'un seul objectif : doter Aix-en-Provence des moyens de réussir son avenir et permettre qu'enfin, après tant d'années de retard, Sextius-Mirabeau connaisse la réussite que quatre décennies de politique municipale ont appelée de tous leurs voeux.

Je vous remercie d'avoir su prendre sur votre temps personnel en me faisant connaître vos convictions.

Je vous prie de croire à l'assurance de ma considération distinguée.

Maryse JOISSAINS-MASINI

Madame le Maire,

J'ai bien reçu votre lette du 5 juillet 2002 concernant votre projet de démolition de la maison de Darius MILHAUD.

Je vous redis ce que j'ai dit, il y a trois mois, à votre messager, Monsieur Jean CHORRO, votre premier adjoint : vous soutenir dans cette action équivaudrait à trahir les buts que se sont fixés nos fondateurs en 1955 (Mr le Doyen GROS, Mme FLORY BLONDEL, Mr Charles de CORMIS) : enrayer la destruction du passé historique et architectural de notre ville.

Je vous livre quelques unes des réflexions de notre Conseil d'administration :

"Quelle ville de France, ville de musique et de festivals, comme Aix, négligerait ou démolirait la Maison de Darius MILHAUD, célèbre musicien internationalement reconnu ?

Quelle municipalité lancerait les Journées du Patrimoine des 12 et 13 septembre 2002 sur fond de démolition d'une maison du XVIIème siècle "Le Logis du Bras d'Or" qui, urbanistiquement, constitue un axe majeur dans la scénographie de l'ancien cours des Cordeliers (plan de l'architecte CUNDIER) (1670) ?

Qui est intervenu en 1981 pour sauvegarder la maison de Darius MILHAUD avec l'appui de M. JOISSAINS, Maire à l'époque de la Ville d'Aix ? (Madeleine MILHAUD, aujourd'hui centenaire)

Qui oserait prétendre qu'actuellement Darius MILHAUD est toujours dans le cocon familial, alors qu'il en est sorti par son talent, sa notoriété, son rayonnement et qu'il appartient au Patrimoine mondial et plus prosaïquement à Aix ? Si CEZANNE is money, Darius MILHAUD l'est aussi.

Les problèmes d'argent se solutionnent dans le temps et dans l'étude; cette maison n'a pas de soeur jumelle de remplacement !

Qui effacera la tâche qui enlaidira pour toujours le blason d'Aix ?

Est-ce qu'il n'est pas possible de trouver par une nouvelle étude de l'aménagement de l'îlot A, une solution, qui, en respectant la maison, maintiendrait les m² constructibles prévus ? Nombreux sont les architectes qui le pensent, y compris l'Architecte des Bâtiments de France."

Acceptez, Madame le Maire, mon souvenir de vingt ans.

Lucienne RAYMOND
Vice Présidente